jeudi 22 décembre 2011

La Charité (1)



La Foi et l'Espérance invitent l'individu à sortir de lui pour aller à Dieu, mais en restant lui-même.
La Charité est Dieu.
Dans la "charité" (comme dans "charisme") il y a don et don divin.
Le modèle en est la charité entre les personnes divines. […]

Cette Charité de Dieu est plus facile à saisir quand elle se manifeste au monde:
en le créant Il lui donne Sa Vie,
en le sanctifiant Il lui donne Son Esprit,
en le rachetant Il lui donne Son Christ,
don total qui est Dieu même.
La Foi et l'Espérance doivent se dépasser pour aller à Dieu; la Charité est Dieu. Celles-là ne font pas les Saints, la Charité les fait.

Moyen de se laisser faire saint par la Charité:
La double forme du précepte : "aimer Dieu de tout son cœur..."
"aimer son prochain comme soi-même...",
les deux étant le même, deux voies d'union à Dieu.

Pour des privilégiés (Saint Jean, Saint Paul, Saint François d'Assise, Sainte Thérèse), ou à certaines heures de prière, la rencontre spirituelle avec Dieu fait naître l'amour, toujours imparfait parce qu'il est difficile à l'homme d'aimer Dieu: une pensée, un cœur, une âme d'homme ont l'habitude de travailler, d'être émus à partir d'éléments humains. D'où la commune expérience des jeunes et des commençants se désespérant de "ne pas aimer Dieu".

La réponse est dans Saint Jean: "Comment aimerez-vous Dieu que vous ne voyez pas, si vous n'aimez pas votre frère que vous voyez?"
Il faut distinguer un amour de l'âme en Dieu et un amour qui utilise toutes les facultés de notre humanité. Si nous voulons en rester au premier en donnant congé à toutes nos puissances humaines d'aimer, celui-là même s'évanouira en mythes et rêveries et nos puissances humaines se donneront à d'autres objets.
La pédagogie de l'église, comme celle du Christ, comme celle même de Dieu envoyant "le plus beau des fils de l'homme", est ici de faire un faisceau entre les puissances d'aimer de l'âme et les puissances d'aimer humaines. Elle veut que ces deux modes de charité n'en fassent qu'un; souvent le second mène au premier, toujours le premier mène au second.
Saint Jean: "quiconque aime est né de Dieu et connaît Dieu".

Essayer d'opposer ces deux modes ou d'en faire deux voies est mauvaise pédagogie et mauvaise orthodoxie. On peut conseiller à telle âme de commencer par l'une ou l'autre, mais une fois engagée à fond dans l'une, elle trouve l'autre: ce sont deux portes d'une même voie, pour les uns porte d'entrée, pour les autres porte de sortie.
Il est des actes qui paraissent dirigés soit vers le prochain, soit vers Dieu. L'intention seule en fait la vraie direction: la prière, qu'elle soit d'intercession, de rédemption, de réparation, peut être orientée soit vers le prochain pour qui on demande, rachète, répare, soit vers Dieu.
Un geste vers un pauvre ou un malade pour les uns ira vers le prochain, pour les autres vers Dieu en lui.
Il est donc inutile de faire ces subtiles distinctions: la charité envers le prochain qui réquisitionne toutes nos facultés d'aimer ne doit pas aller en définitive au prochain mais au Christ, non pas en imagination, mais en réalité:" Ce que vous faites à l'un de ces petits, c'est à moi que vous le faites".
Le commandement est formel: 1 Jean 4,20-21.

Gabrielle-Marie MOSNIER

Illustration : Jean-Auguste-Dominique INGRES, Montauban, 1780 - Paris, 1867 © Musée du Louvre/A. Dequier - M. Bard

vendredi 14 octobre 2011

L'Espérance



Ses rapports avec la Foi
On espère en Dieu comme on croit en Dieu, il faut déjà être instauré en Dieu pour croire comme pour espérer et aimer. Dans la Foi cette instauration est actuelle. Dans l'Espérance elle est plus totale et embrasse le présent, et le futur. L'Espérance est vertu de sortie de soi plus que la Foi. Celle-ci demande encore à l'individu la conscience de soi. L'Espérance le projette en Dieu (si du moins on ne confond pas Espérance et espoir). Elle est une hypothèque tirée sur le Seigneur.

Sa nature
Tout le livre de Job est une leçon d'Espérance, une épreuve envoyée à un juste pour lui montrer :
• que sa justice n'a aucun sens et qu'il n'y a pas lieu de se reposer en elle et d'espérer en elle, mais seulement en la justice de Dieu (Cf. discours d'Eliphaz de Théman : ch. 4, 6-8 ; 4, 17-18),
• qu'il doit avoir comme objet de son espoir non des choses humaines mais les dons de Dieu 5, 8-9.

Les voies à l'Espérance sont à ménager en laissant en nous la place à Dieu.
L'acte d'espérance nous donne d'ailleurs comme objet de cette espérance :
• la Grâce ici-bas (la possession de Dieu),
• la vie éternelle (notre anéantissement en Dieu).
L'Espérance n'est donc ni imagination, ni désir, ni projet, rien du contenu habituel de nos espoirs.
La réponse de l'Archange au réflexe bien humain de la Sainte Vierge « Comment cela se fera-t-il ? » fut : « La vertu du Très-Haut vous couvrira de son ombre ». C'est dans l'obscurité de la Foi, qu'il faut espérer.
Tout ce qui nous aide à sortir de nous fera fleurir en nous l'Espérance, les vertus religieuses vécues peuvent la porter à la perfection.
(…)
L'Espérance est une possession anticipée de Dieu dans le temps : elle nous fait participer à la vie éternelle dès ici-bas ; elle tombera dans le face à face éternel. Elle comporte ici, la Foi, adhésion à une vérité obscure, la Charité, confiance en Quelqu'un que l'on aime.
Elle est des trois vertus la plus méconnue et la plus déformée dans la notion qu'on en a et l'expérience qu'on en vit. Elle n'est ni quiétisme, ni rêverie, mais possession de Dieu donc réalisme : elle demande qu'on cherche Dieu et qu'on espère Sa Volonté.
La pauvreté qui nous débarrasse de notre volonté propre,
la pureté qui nous débarrasse de nous-mêmes et des créatures,
l'obéissance qui nous fait adhérer à la Volonté de Dieu, sont des moyens de vivre l'Espérance.

L'Espérance est une attente de Dieu, mais une attente qui n'est pas vide.
Avant le Messie l'attente de l'A.T. était une attente inactive, ou s'efforçant de L'imaginer, ou Le connaissant par avance comme pour Saint Jean Baptiste.
L'attente de Marie de l'Annonciation à la Nativité, qui est déjà possession, doit être nôtre : une attente qui possède déjà par anticipation.

Gabrielle-Marie Mosnier


dimanche 18 septembre 2011

Trois opérations



Le Zèle (2)
La Foi

1 - L'humilité : La Foi racine dans l'humilité :
Croire en un Dieu Tout Sage et Tout Puissant, c'est nous remettre à notre place. Tout ce qui n'est pas conçu en Lui est privé d'être, est anéantissement.
Croire que l'efficacité de notre action ne vient en rien de nous, mais de Dieu qui la crée en nous, doit nous amener à en chercher l'orientation et les moyens dans l'humilité et sans inquiétude.

2 - La confiance : Croire que si nous ne pouvons rien, Dieu peut rendre notre action efficace, et ne pas tomber dans la recherche de fausse humilité qui consisterait à être persuadé à l'avance que notre action sera sans valeur et son résultat forcément nul, de telle sorte que nous nous en désintéressions et n'y voyions plus qu'une mortification.
Agir en simplicité confiante en recherchant consciemment et sans inquiétude le but et les moyens de notre action.

3 - La foi à l'existence des réalités surnaturelles :
- mérites du Christ
- Corps mystique.

Croire qu'il n'y a pas d'actes indifférents : tout acte qui n'est pas bon est mauvais dans le domaine de l'efficacité de la grâce.

Incidence des vertus religieuses dans cette vie de foi :
Elles y sont comme toujours le moyen de vivre en perfection la vie chrétienne.
La pureté : permet de mieux voir la Sainteté de Dieu. Le fait que Dieu est Saint, qu'Il est Trine, que chaque Personne ne vit que pour les autres, étant modèle et raison de la pureté.
La pauvreté : La foi est le moyen d'être parfaitement détaché des résultats de notre action: bons, ils sont de Dieu, mauvais, ils sont du diable ; aucun n'est à nous.
L'obéissance : est le moyen même de la fidélité dans la foi, moyen de choix de reconnaître et d'accomplir la volonté de Dieu.
"Ils n'ont pas cherché à connaître Dieu davantage, et Dieu les a livrés à leur sens pervers..." (Ep. Romains 1,28)
L'obéissance est la foi qui s'instruit pour agir et qui agit.
Gabrielle-Marie Mosnier, 1940.

Illustration : Louis de BOULLOGNE, Paris, 1733, L’Humilité. © Musée du Louvre

samedi 26 février 2011

Voici le début d’un texte …

… dont quelques autres étapes nous seront proposées au cours des semaines à venir. Gabrielle-Marie nous invite ici à puiser aux racines de notre fidélité.


Le Zèle
La vie active doit être fidélité à Dieu dans l'action.

« Une Vierge royale… devant porter dans son sein le rejeton saint, conçut spirituellement l'Homme-Dieu par la foi avant de Le concevoir corporellement »
Saint Léon, pape, lecture des matines de Noël.

Est faux zèle toute orientation, toute réalisation d'un acte, non conçues spirituellement. Marthe s'agite et s'empresse, bien que son action soit orientée et offerte à Dieu, parce qu'elle ne l'a pas conçue spirituellement.
L'action de Marie quand elle essuie les pieds du Seigneur, bien que ridicule en apparence et sans efficacité sociale, comme le remarque Judas, est agréée parce qu'elle a été inspirée par l'amour.
Pour tous, la fidélité dans l'action provient de l'amour qui inspire chaque acte. La fidélité s'opère par l'action des vertus théologales (Foi, Espérance, Charité) dont la Baptême a mis en nous le germe, et des vertus religieuses (pureté, pauvreté, obéissance) qui doivent en porter le développement à sa perfection.

Gabrielle-Marie Mosnier, La Madeleine, 27-30 décembre 1940.